Balade entre Sud Angleterre et Pays de Galles

, par Rivoire Vincent

Texte et photos de Vincent

Nous débarquons du ferry à Poole, dans le sud de l’Angleterre. La mer a été plutôt calme, nous avons fait une petite escale sur l’île de Jersey où se fait dorénavant le passage formel de la frontière depuis le Brexit, avec contrôle des passeports.

Le petit rétroviseur, déplacé sur le côté droit de nos cintres, est un pense-bête précieux pour les premières heures de pédalage : hé oui, il faut bien penser à rouler à gauche, à prendre les ronds-points à l’envers, à regarder du bon côté en traversant une chaussée…

Il nous faut rapidement sortir les protections contre la pluie. Un temps que l’on pourrait qualifier de typique nous accueille dès le départ. Heureusement, une bonne trace GPS préparée à l’avance me permet de nous guider facilement, la tête dans les capuches et les lunettes embuées. Nous sortons de la ville et commençons notre remontée vers le nord.
Assez vite, on se retrouve sur des petites routes, parfois des pistes en gravier. Le réseau anglais de voies dédiées au vélo est relativement bien réalisé.

Il permet de progresser sur de longues distances, avec une bonne continuité du guidage et un bon fléchage. Cela nous sera précieux dans les zones urbaines où nous nous retrouverons parfois piégés dans d’immenses toiles d’araignées de voies rapides, que seule la piste cyclable bien balisée permet de franchir.

“Ca y est, on y est vraiment !” s’exclame Bénédicte. Nous venons de traverser un village typique de ce sud de l’Angleterre. Maisons de briques mitoyennes aux “bow windows” (fenêtres bombées en arc de cercle), petits commerces, voitures garées sagement sur la chaussée sans jamais empiéter sur le trottoir.
Je suis heureux de retrouver cette ambiance, de communiquer avec les commerçants ou les passants qui nous interrogent sur notre destination, curieux de nos vélos bien chargés…
Nous passons notre première nuit dans un camping à la ferme,

un immense champ d’une herbe si drue
et si verte qu’on se croirait dans une rizière asiatique ! Nous fréquenterons souvent ces petits campements, aux installations sommaires mais très calmes et plus agréables que les campings hébergeant des colonies de caravanes et camper-vans.

Au matin, nous partons tôt pour nous offrir un vrai “English breakfast” dans un pub du village suivant, perché en haut d’une rude colline. On se délecte de la version “full”, copieuse et évidemment très calorigène pour nos appétits de cyclistes.

Il faut dire que nos vélos de rando sont bien chargés : matériel complet de camping, réchaud et gamelles, vêtements chauds et étanches, outillage, nourriture… J’ai vérifié sur la balance un bon 45kg avant de monter dans le train, soit 15kg d’acier et 30kg de bagages.
Nous cheminons sur des petites routes, typiques elles aussi, étroites et entourées de hautes haies taillées au cordeau. Heureusement que nos amis anglais roulent prudemment, car on peut à peine croiser un véhicule de face avec nos grosses sacoches. On remarquera presque partout la grande courtoisie et la patience des conducteurs, qui le plus souvent s’arrêtent pour nous laisser passer, ou bien attendent longuement derrière nous avant de doubler.

Les prévisions météo sont très alarmantes : une tempête d’ouest avec risques d’inondations et vents forts est prévue dès demain. Nous décidons donc de dormir au sec ce soir. Ce sera l’auberge de jeunesse de Bath, que Bénédicte connaît déjà. Je retrouve aussi avec plaisir cette belle ville chargée d’histoire, où j’avais résidé en séminaire pour le boulot dans le passé. On se balade dans la ville et on teste le “fish and chips” qui s’avère excellent.

Notre plan initial était de venir jusqu’à Bristol depuis Poole à vélo, puis de monter en train en Ecosse pour y rouler une dizaine de jours avant de redescendre en train. Mais deux obstacles nous amènent à changer ce plan. En effet, les billets de train que nous voulons réserver sont excessivement chers et sans garantie de pouvoir y embarquer nos vélos (peut être la tenue des championnats du monde de cyclisme à Glasgow dans quelques jours crée un afflux de demandes … et au royaume-uni ultra-libéral la loi de l’offre et la demande règne sur les prix…). En outre, la météo est toujours très menaçante dans la semaine à venir et on ne voudrait pas être contraints à passer plus de temps dans les pubs que dans la nature !

Nous décidons donc d’aller au Pays de Galles, directement à vélo. Je concocte une grande boucle compatible avec un kilométrage quotidien raisonnable.
Dans les jours qui suivent, nous progressons donc sur cette trace. On traverse le grand estuaire de la rivière Severn sur l’immense pont qui l’enjambe, pour arriver au sud du Pays de Galles.
Nous nous dirigeons vers l’ouest, en passant par la ville de Swansea, avant de longer la côte rocheuse jusqu’au parc régional du Pembrokeshire à la pointe Ouest.

On affronte rapidement ce qui fait la réputation de cette région pour les cyclistes : les terribles pentes des nombreuses côtes qui franchissent les collines. Le Gers ou la Bretagne ne sont rien face aux pourcentages des petites routes qui grimpent “dré dans l’pentu”. On sera souvent sur du 25%, parfois du 30% obligeant à mettre pied à terre, heureusement sur de courtes distances.
Comble de malchance, mon dérailleur avant est en fin de vie et je ne peux plus passer le petit plateau. Je fais une réparation de fortune avec un couvercle de boîte de sardines façonné à la pince leatherman et qui redonne à la fourchette du dérailleur la consistance qui lui manquait, ouf !

Nous sommes enchantés par les paysages côtiers traversés, les rencontres effectuées. Le temps reste médiocre et nous sortirons souvent les vestes imperméables, et les doudounes le soir sous la tente.
La région est très rurale et les petites routes bordées de haies, si elles présentent l’avantage de protéger du vent, deviennent lassantes en nous masquant souvent la vue.

Un soir de pluie, nous avons la chance d’être hébergés dans le réseau Warmshowers, chez un cycliste octogénaire qui vit seul dans une petite maison. Nous plantons la tente dans son petit jardin mais passons la soirée au sec avec lui. Il nous raconte ses nombreux périples, sa vie passée aventureuse à courir les mers en voilier, ses aventures cyclistes. Le lendemain matin, il nous accompagnera sur une vingtaine de kilomètres sur son magnifique tricycle couché,

avec une forme épatante pour son âge. Quelle belle rencontre !

Nous faisons quelquefois du camping sauvage, mais ce n’est pas simple du tout en Angleterre où beaucoup de terres sont privées et clôturées. Ceci nous oblige en outre à prévoir une bonne réserve d’eau, car il n’y en a pas dans les cimetières- qui au demeurant sont magnifiques de sobriété, simples pierres tombales dressées dans l’herbe

, comme le veut la religion protestante. Nous finirons notre boucle par un retour à Swansea, d’où nous prenons un train pour Southampton. Le British Railway partage avec la SNCF les petits aléas de transport : trains annulés sans préavis, réservations aléatoires pour les vélos mais fortement recommandées pour ne pas risquer d’être éconduits par un contrôleur…
Finalement, nous arrivons à Southampton, bien tardivement et sous la pluie, mais sans compromettre le planning serré de notre retour vers le ferry à Poole. Et oui, je suis inscrit sur le fameux Paris-Brest-Paris (1200km et 12000m D+) et je dois me rendre au départ juste en rentrant de cette rando en Angleterre. Il ne faudrait pas rater le coche !
Nous pouvons donc cheminer à vélo les deux journées suivantes en traversant la New Forest,

puis en longeant la côte jusqu’à la riche et luxuriante ville de Bornemouth. C’est ensuite le ferry pour rentrer à St Malo, avec à nouveau une escale à Jersey.

Au final, nous aurons roulé 790km et 8000m de dénivelé en 15 étapes, la plus longue de 76km et la plus courte de … 10km pour rejoindre le terminal du ferry. Un rythme bien raisonnable pour profiter d’une vraie itinérance avec de nombreux arrêts et de belles rencontres.

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